Ça va craquer Monsieur le Président

“Je vous le dis : rien ne va plus... Jamais on n’avait ressenti autant de décalage entre les gens comme nous qui vivons de notre boulot quotidien et les autres, les combinards, les magouilleurs qui nous dirigent, accumulent les lois, les arrêtés, pour nous empêcher de vivre, de circuler, de stationner, de travailler normalement... On va revoir les grandes jacqueries du Moyen Age, si vous ne mettez pas un peu d’ordre, et il faut d’abord jeter en prison, tous ces pourris, si haut placés soient-ils. Faites nous voir qu’ils ne sont pas au-dessus des lois qui s’appliquent durement à nous, aux petits, aux sans-grades, comme cet élu écolo, à qui on passe les menottes, qu’on met en cabane, qu’on décrète inéligible pour cent mille balles qu’il n’aurait paraît-il jamais dû toucher ! Alors que les gros, on ne les a jamais vus arrêtés, quand il s’agit de millions ! La justice à deux vitesses, on en a marre ! Ça va craquer, Monsieur le Président. On n’en peut vraiment plus.” Cette femme qui s’adresse au Président, pourquoi n’a-t-elle pas accepté tout ce que lui offrait l’un des conseillers les plus proches, quand Reine de beauté, top-model de l’époque, elle l’a connu, un soir de défilé chez Cardin ? Il l’aime comme un fou, mais elle a refusé cette vie de rêve dans les hôtels internationaux, les palais de l’Etat. Elle a préféré la chaleur d’un bistrot qui lui rappelle son enfance, les parties de belote entre copains, plutôt que les parcours de golf et les manières, les rites d’un “grand monde” factice, chargé de miasmes où elle n’était pas à l’aise... Quand vingt-cinq ans plus tard, en grand danger sur fond de bataille sans merci ChiracBalladur et de procès politiques, il lui demandera de l’aider, elle n’hésitera pas... Mais c’est difficile de vivre l’agonie d’une société où la pureté est impossible... Même si l’on espère toujours, à travers les épreuves, la venue du “cavalier blanc”... Chroniqueur impitoyable des mœurs provinciales, ancien adjoint au maire de Lyon, et chargé de mission au cabinet de Jack Lang, André Mure s’intéresse cette fois au crépuscule du mitterrandisme (marqué par les affaires, la corruption, des suicides tragiques, et les procès Tapie-Noir-Botton-Carignon) et aux promesses du chiraquisme. Un tableau sans concession !