Un père et ses deux jeunes enfants courent dans le monde. « La vie est une fuite courageuse pour échapper à la sottise administrative », pourrait-on dire des héros de cette aimable satire des institutions humaines. Fictive, leur épopée, riche en valeurs humaines et reprenant une tradition littéraire picaresque aux mille rebondissements, ne comprend à vrai dire que des faits ayant eu lieu, qui conviennent à tout le monde et qui sont toujours d’actualité, en Europe, en Afrique, en Iran durant la révolution, ponctués de descriptions géographiques et historiques exactes. Sans extravagances irréelles, narration d’une vie quotidienne mouvementée, autant qu’un roman c’est un récit aux allures de mémoires, ce qui permet au narrateur de commenter l’un ou l’autre fait de civilisation et, au-delà du temps du récit, leur développement dans l’avenir, évitant ainsi la frustration que produit parfois le roman : au fil des pages, c’est une réflexion sur la vie considérée comme un fleuve en crue, qui nous emporte tandis que nous nous accrochons à des valeurs auxquelles nous croyons, îlots d’herbes arrachés à la rive de nos utopies, naufragés que nous sommes, entraînés toujours plus loin vers un salut hypothétique.