Aimé Césaire, ou l'illusion de la liberté Essai

Aimé Césaire, ou l'illusion de la liberté

Essai

S’il choisissait l’anticolonialisme, il demandait l’indépendance. S’il choisissait l’assimilation, il devenait un génie de la norme qui l’avait esclavagisé, colonisé, chosifié. Finit-il enfin par choisir, trancher ?
« Interloqué à l’instar de ce gendarme français devant un sujet qui venait de Bavière : “Votre état, monsieur ? — Poète, lui répondit l’homme. — Ah, fort bien. — Votre profession alors ? — Écrivain, sergent. — Tout à l’heure, vous m’avez dit que vous étiez poète. Et maintenant, vous prétendez que vous êtes écrivain ! Poète et écrivain, comment pouvez-vous cumuler les deux ?” Non, il ne cumulait pas. Césaire était l’un dans l’autre arpentant le chemin de l’assimilation. » (…) « La liberté au sens universel, donc nécessairement subversive, quoique nécessairement légitime, cette liberté-là, il n’en voulait pas ; il voulait la liberté à l’intérieur des frontières de la France : une liberté légale strictement réglementée par les lois de la République. Mais pour cela… en toute connaissance de cause, oui, il savait que pour cela il lui eût fallu être Français, lui et les siens, tous les siens. Liberté universelle, celle des droits de l’homme et liberté légale, celle « citoyenne » assujettie aux représentations de la raison d’État sont, a lâché un ministre, incompatibles. La France, pays des droits de l’homme, a tort de se doter d’un ministère des Droits de l’homme.

EXTRAIT

Même les saumons et les tortues des mers savent revenir, retrouver leur lieu originel. Ils reviennent toujours, car ils portent en eux leur patrimoine génétique, leur m’songui de l’adage kongo qui toujours montre le chemin quand même les ancêtres se sont usés, que le repère s’est brouillé. Le village des anciens a donc perdu ses forces vives. Celles-ci sont parties et aucun signe n’indique qu’elles reviendront, que le système retrouvera sa vitalité d’antan. Le regard extérieur, devenu sarcastique en regardant cette société qui dépérit, ces tombes abandonnées, se met à jouer avec la solitude du registre qu’il croit sans héritier. Alors le permanent invisible, ce témoin toujours présent dans le vécu sociétal nègre, en tant que fait global (ce fameux « tiers inclus »), cette présence toujours dissimulée à travers sa non-transparence, son ambiguïté, relève la tête et défie : « Ha ba mbikidi m’simba, ha mâmé tsio ni nguria ngo » (« On m’a traité de chat-tigre, moi, le véritable léopard ! ») Se rengorge le permanent invisible prêt à relever le défi. 

À PROPOS DE L'AUTEUR

Docteur d’État ès Lettres et Sciences humaines, diplômé de l’École pratique des hautes études (Sorbonne) ; diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Côme Manckassa (1936-2015) fut journaliste, professeur de sociologie à l’université de Brazzaville et homme politique. Auteur prolifique, il a écrit France : grandeur perdue (Essai) ; La Débâcle de l’anthropologie économique française : débats d’hier, bilan d’aujourd’hui ; Le Sociologue et l’homme politique (Essai) ; Le Chevalier de Soyo (roman) ; Le Procès de Matsoua (théâtre) ; Lucifer poursuit Jésus-Christ en diffamation (théâtre) ; N’koûla (théâtre). Il est également l’auteur de nombreux articles de presse et d’articles scientifiques parmi lesquels L’Anthropologie philosophique de la subversion.

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