Si nous portons notre regard sur les installations pétrolifères de Syncrude à Fort McMurray en Alberta, sur les forêts abitibiennes scarifiées par les coupes à blanc ou le site minier Manitou-Goldex, abandonné, à Val-d’Or, on se demande assez vite si nous savons encore habiter le monde. Le sol, la boue, l’humus, l’air, les quenouilles, les maringouins semblent aujourd’hui être pour nous plus abstraits et, du coup, moins sensés, moins signifiants, que les retombées économiques, le taux de chômage ou le bourdonnement de la bourse de Tokyo.

Comme l’avançait le sociologue Jean-Philippe Warren en 2005 dans nos pages – plus précisément celles du no 268, intitulé Intellectuel sans domicile fixe –, la nature s’est, pour nous tous, transmutée en environnement. Elle n’est plus un cosmos, un espace avec lequel dialoguer, une part du récit nous englobant en tant que communauté, mais un pur objet extérieur à nous et, de là, une simple ressource. Or, la ressource, comme chacun sait, ne s’habite pas. Elle s’exploite.

S’il nous est bien sûr impossible, à tout le moins peu souhaitable, de revenir au cadre des cosmogonies grecques ou romaines, il nous faut pourtant trouver le moyen d’investir de nouveau la Terre comme un lieu, c’est-à-dire apprendre à la percevoir et à la lire autrement afin de développer avec elle un nouveau commerce – à entendre ici au sens de relation et de façon de se comporter à l’égard d’autrui. Chacun à sa manière, les textes du présent dossier nous invitent à cette tâche.

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Éric Martin

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