AU LENDEMAIN de l'indépendance du Maroc, les élites rurales étaient dans une situation ambivalente. Leur longue association avec l'administration du protectorat les avait discréditées, mais, si leur pouvoir politique avait été ruiné par les nationalistes, leur pouvoir économique demeurait intact. Très tôt, la monarchie a compris que c'est en s'appuyant sur elles qu'elle parviendrait à s'émanciper du mouvement national ; en les justifiant, elle s'est aussi prémunie contre les risques de bouleversement à l'initiative des classes moyennes urbaines. Cette solidarité de la monarchie avec des forces du passé a rendu toute modernisation impossible ; de ce fait, elle a accru les tensions à l'intérieur de la société marocaine.